La charte du Pape avec les maires

Une curieuse charte, dite de Florence*, a vu le jour le 26 février 2022 à l’issue du Forum « Méditerranée, frontière de paix » réunissant des évêques et maires du pourtour méditerranéen pour « étudier et travailler pour la paix, la justice et la coexistence fraternelle dans leurs villes ».

Plus d’une centaine d’évêques et des maires des grandes villes d’Italie mais aussi certains maires de grandes villes de pays riverains de la Méditerranée, par exemple les maires de Marseille et de Bastia, se sont ainsi rencontrés pour signer ensemble ce document.

Si on se penche plus en détail sur le texte de cette Charte, assez confus et fourre-tout, que peut-on en retenir ?

Certes, les constats ne sont pas dénués de fondements, le texte évoque bien les difficultés actuelles : « le changement climatique, les flux migratoires, les conflits et la pauvreté ».

Il s’agirait donc de « renforcer la fraternité et le respect de tous les citoyens et de toutes les communautés culturelles et religieuses, oeuvrer pour la préservation de la nature de la Méditerranée, éviter les guerres et gérer les crises migratoires ». De beaux et louables objectifs en apparence.

Mais, derrière ces grands mots, quelles solutions sont proposées, quelles propositions concrètes ? Financer plusieurs « Ocean Viking » ? Le Vatican à lui seul le pourrait. Héberger des milliers de sans abris ? Rien qu’en France, grâce à son immense patrimoine immobilier, l’église catholique le pourrait.

Mais non, le texte insiste surtout sur la nécessité pour les gouvernements des pays méditerranéens d’établir une consultation régulière des représentants politiques et responsables religieux locaux. Pour le dire plus clairement, l’Eglise elle-même définissant cette Charte comme « Une déclaration commune qui permet de renforcer la collaboration entre l’Église et le pouvoir civil », ce texte vise donc à ramener l’Eglise au cœur de la vie politique.

Et il est bien question d’insistance sur ce sujet puisque l’ensemble des articles reprend cet appel à la collaboration entre les religions et les pouvoirs publics.

Ce qui se cache au cœur de ce texte, c’est que la seule solution à tous nos maux serait une collaboration entre les gouvernements et les religions, c’est-à-dire abandonner la stricte neutralité des élus de la République voulue par la loi de 1905.

Il s’agit donc bien en fait d’un projet destructeur de la laïcité.

En fait, le véritable but de cette Charte rejoint celui des Rencontres méditerranéennes, l’objectif de ces rencontres ayant été annoncé officiellement comme la poursuite de ce qui a été signé à Florence. Et l’importance de l’enjeu est confirmée par la venue à Marseille du Pontife en personne.

Il s’agit pour l’Eglise catholique, dans une Italie secouée par la montée de l’extrême droite (Ligue du Nord), l’arrivée croissante de migrants et les affaires de pédophilie dans l’Eglise, de reprendre la main à peu de frais en surfant sur les thèmes à la mode : climat, migration, traditions en péril et de retrouver un rôle prépondérant.

Et remarquons que la Charte parle des religions, des « leaders spirituels » au pluriel, de « dialogue entre ses communautés civiques et religieuses » mais que l’Italie et le Vatican se sont bien gardés d’inviter à Florence, ou à Marseille, d’autres religions, s’octroyant ainsi le rôle central. 

*  Il ne faut pas confondre la charte ci-dessus avec une autre, éponyme, datée de 1981, et consacrée aux parcs et jardins publics 

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